Lou Péri Doc – Challenge AZ 2020. - 15
En Argentine, après l’indépendance en 1810, le pays se construit peu à
peu, mais les guerres internes pour la prise du pouvoir ruinent de nombreux
efforts.
À partir de 1853, la Constitution intègre, avec l’article 25, l’incitation à
l’immigration. En 1876, la loi n° 761 de Nicolás Avellaneda, nommée la Ley de
Inmigración y Colonización, facilite et encourage l’immigration européenne pour
ces vastes terres inoccupées et fertiles. Pour des paysans qui ne possèdent pas
grand-chose, l’offre est alléchante et laisse entrevoir un avenir meilleur pour les
enfants. On comprend, dans le roman, l’attirance de Charles pour ce pays :
- Je rêve d’émigrer en Argentine, depuis des années, révéla-t-il d’une voix sourde.
(p. 293)
- L'Argentine est un pays où tout est possible. Le type de la gare m'a assuré qu'il
restait à occuper des plaines complètement vides. Nous aurons toutes les chances.
Nous pourrons tout tenter ... Je n'ai pas d'illusions : nous ne ferons pas fortune en
un an, mais nous nous enrichirons et nous serons libres ! […]
- 1890 est toute proche. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sûr que ce sera une
bonne année pour nous. Tu auras vingt ans... Imagine que nous fêtions tes vingt ans
en Argentine ... s'exalta Charles Cayre. (Page. 312)
Sur la période 1810 - 1920, les services de l’immigration ont enregistré
220000 migrants français vers l’Argentine, dont 120 000 seraient repartis. Le flux
le plus important se situant après les années 1880. Cela représente environ 3 à
4% du total des migrants européens. Dès 1888, le gouvernement argentin
mandate donc des agences en France dans les ports d’embarquement ainsi qu’à
Paris pour trouver des candidats à l’émigration. Ce sont parfois aussi des
aubergistes qui sont chargés du recrutement dans des villes de province. C’est
vers l’un d’eux que se tourne Charles :
Elle l’accompagna à la buvette du rabatteur de candidats au voyage vers la
fortune. Le personnage les toisa avec un air équivoque. Marchand de gros rouge
ou marchand d’hommes ? Il sembla éprouver une jouissance trouble en les voyant
ensemble. Il connaissait déjà le commis des Messageries. (Page. 325)
Les consignes sont précises : de préférence des familles nombreuses,
catholiques, pour un départ définitif. En échange, le gouvernement argentin
offre aux émigrés les billets de bateau et quelques lopins de terre sont distribués
gratuitement ou à bas prix dans le but de créer des communautés de colons. 36%
des émigrants seraient des cultivateurs. L’émigration devient contagieuse, on
note des départs en groupe, ou de voisins rejoignant des familles déjà installées
en Argentine. Dans l’ensemble, on constate que l’émigration porte sur les
éléments actifs de la population, Avec une prépondérance des éléments
masculins. Certaines familles partent au complet, parfois, la moitié des enfants
part avec le père tandis que l’autre moitié reste avec la mère, d’autres délèguent
certains membres. Cette émigration a un caractère officiel et les départs sont
connus des autorités. Le plus souvent, les immigrés partaient ainsi rejoindre un